dimanche 20 février 2011

Face aux démons, le début ! Extrait N°4

Presqu'un an après avoir posé les premiers mots de ce livre, je tiens enfin mon début. Je trouve assez amusant de faire parler Solban, qui joue le rôle du sale type de service, et j'ai décidé de le rendre haïssable dès les premières lignes.
Bien sûr, cela reste du premier jet (relu quelques fois quand même) et je serais heureux de savoir si cela vous inspire.
Bonne lecture !

Lascivement étendue sur le ventre, ses longs cheveux blonds en désordre, aussi nue qu’au premier jour, elle affichait une moue boudeuse de gamine capricieuse, incapable de réaliser la chance qui était sienne. Je réalisai soudain que j’avais omis de lui demander son âge mais je ne lui donnai pas vingt ans.
— Reste avec moi jusqu’au matin, au moins, murmura t’elle alors que je me levai.
— Je t’ai consacré bien assez de temps comme cela. Crois-tu que je n’ai que cela à faire ?
— N’as-tu pas passé un agréable moment dans mes bras ?
— Si peu. Il te reste beaucoup à apprendre si tu veux espérer me satisfaire.
Ma réplique la laissa coite. Des larmes apparurent au coin de ses yeux. Je perçus son effort pathétique pour les retenir.
— Crois-tu qu’il suffit de t’étendre, de me prodiguer quelques caresses maladroites et de m’ouvrir tes jambes pour me réjouir ? J’ai bien plus de deux cent ans et tu n’as pas assez d’intelligence pour faire le compte de mes maîtresses. Finalement, tu n’es que jolie. Sache que c’est bien loin d’être suffisant pour devenir Edrulaine !
— Comment peux-tu tenir de tels propos ? gémit-elle.
— Tais-toi.
— Mais…
— TAIS-TOI !
D’un seul geste de la main, je conjurai un sort pour la faire taire. Je revêtis mes vêtements et sortis de sa chambre. La pièce était au rez-de-chaussée et je sortis dans la cour du havre en sifflotant. Levant les yeux, je vis que la lumière à la fenêtre de la chambre de Ladorne et sus, d’une seule pensée, que Lordel n’était pas avec elle. Je tenais enfin l’occasion de rendre une petite visite à cette belle garce.
A son étage, tout le monde dormait. Je m’efforçai de rendre mon passage dans le couloir aussi discret que possible. Cet étage abritait bon nombre de Maîtres, des combattants au sommeil trop léger et des magiciens aux sens toujours en alerte. Je m’arrêtai devant sa porte et levai le doigt pour gratter le bois même elle discerna ma présence avant que je ne puisse le faire.
— Que me veux-tu, Solban ?
Le calme apparent de sa voix aurait trompé tout autre que moi. L’exaspération que j’y discernai me ravit. J’ouvris la porte. Elle était assise sur un coussin à même le sol, en tailleur, simplement vêtue d’une chemise d’homme largement ouverte, les jambes nues. Elle brodait un manteau, une petit boule de lumière magique flottant au dessus de ses doigts, et ne leva même pas les yeux vers moi.
— Je ne t’ai pas invité à entrer, me semble t’il.
— Je suis encore sur le pas de la porte.
— Et bien, reste-y. Laisse-moi, je te prie, car je suis fort occupée. J’ai promis de finir ces runes avant demain matin.
— N’as-tu pas envie d’un brin de conversation ?
— Avec toi ? Je crains que non.
— Je veux te parler sérieusement.
Elle me fixa enfin de ses yeux bruns. Le pli soucieux de son front m’indiqua qu’elle essayait de me sonder. Peine perdue.
— Tu ne vas quand même pas jouer à ça avec moi, Ladorne.
— Je t’écoute.
— Puis-je entrer ?
— Soit.
Elle posa son ouvrage à côté d’elle et s’étira, faisant s’écarter ainsi les pans de la chemise, découvrant un peu plus ses superbes seins. Je regardai ce à quoi elle travaillait et vit les runes dessinées au crayon.
— Compassion et courtoisie. Sont-ce là les qualités les plus importantes pour un Edrulain ?
— Sans doute pas. Mais cela doit pas être oublié.
Les femmes de Libreterre demandaient ainsi à Lokar, notre dieu protecteur, d’accorder les vertus que les runes symbolisaient à celui qui se verrait offrir le fruit de leur patient et habile travail. Foutaises !
— Où est ton bel étalon ?
— Lordel ? Il participe à un exercice dans la forêt. Et je veux pas que tu l’appelles ainsi.
— Je ne comprendrais jamais que tu aies démissionné du Grand Conseil pour te mettre à broder des manteaux et te consacrer à lui.
— Me consacrer à Lordel me rend plus heureuse que je ne l’ai jamais été, la broderie fait passer le temps agréablement. Et le Grand Conseil se passe très bien de moi… De toi aussi, d’ailleurs…
— Je ne parvenais plus à faire entendre ma voix. J’y perdais mon temps. Je trouve infiniment plus amusant de les regarder de loin. Leur mission est désormais aisée. Depuis que j’ai détruit Mont Santaux où ces rats d’alchimistes verougues modelaient ces maudits crapauds-lézards qui ont tué tant des nôtres, notre Confrérie n’a plus un seul opposant à sa mesure dans toutes les Folandes.
— Que tu as détruit Mont Santaux ?  Tu n’y étais pas seul, que je sache.
— Certes, Firbon et Faëdar m’ont un peu aidé. Mais je suis désolé de te dire que ton Lordel ne s’y est guère couvert de gloire.
— C’est sans doute pour cela que tu l’as oublié là-bas une fois ta mission accomplie.
— Ladorne ! C’était il y a plus d’un an. Je ne te savais pas rancunière à ce point. Cesseras-tu un jour de me le reprocher ?
— Je crains que non. Si Volfeu n’avait pas été le chercher, je n’ose imaginer ce qu’il serait devenu.
— Facile à dire, tu n’y étais pas ! Faëdar et moi étions au bout de nos forces. Firbon était blessé. Ton beau fauve…
— Ce n’est pas un fauve.
— Ton adorable et merveilleux Lordel était resté dans les cachots, soi-disant pour essayer d’y délivrer quelqu’un. Si nous l’avions attendu, personne ne serait là pour le raconter.
— Sa version diffère de la tienne.
— Je ne l’ai pas contraint à venir.
— Ces cachots retenaient deux enfants innocents.
— Et le beau et bon Maître Lordel, couvert de sang et de poussière, est parvenu à sortir des ruines après l’explosion en les tenant dans ses bras. Quel crétin ! Risquer sa vie pour des gamins verougues sans pouvoir ni valeur !
— Et que dire de cette fois où tu insistas pour l’envoyer sur Sombrerive au secours des elfes. Tu avais parlé d’une centaine de sangrelins. Combien y’en avait-il au final ?
— Un peu plus…
— Un millier. Face à cinq Edrulains et une dizaine de guerriers elfes à bout de forces. C’est ce que tu appelles « un peu plus » ?
— Et comment aurais-je pu le savoir ?
— Ne t’étais-tu pas rendu là-bas pour juger de la situation ?
— Je l’ai peut-être fait un peu hâtivement. Après tout, Il a fini par en sortir, non ?
— Grâce à Néalanne et aux Servants de l’Unique ! Tu as particulièrement insisté sur le fait de ne rien faire pour leur venir en aide quand lui et Fronin étaient otages. Par contre, tu n’as cessé de me courtiser durant son absence…
— Je ne voulais que t’aider à surmonter cette épreuve. Me suis-je montré discourtois ?
— Tu es bien trop intelligent pour en prendre le risque avec moi. Je ne suis pas une de ces gamines que tu séduis pour les laisser en larmes une fois une fois ta semence répandue.
— Il leur suffirait de se montrer à la hauteur. Recevoir un tel présent du plus grand mage de Libreterre, autant dire de toutes les Folandes, se mérite ! Et je ne suis pas le méchant homme que tu dépeins : souvent, je fais le nécessaire pour qu’elles gardent qu’un souvenir très vague et agréable de notre rencontre.
Elle resta silencieuse un long moment. La colère la rendait encore plus attirante.
— Sors d’ici, ordonna t’elle, les dents serrées.
— Ladorne… Je venais essayer de faire la paix. Je croyais, une fois tes lourdes responsabilités derrière toi, que nous aurions pu enfin être amis après nous être tant de fois opposés quand nous faisions tous deux partie du conseil… Tu l’as dit toi-même, tu n’es pas un de ces tendrons maladroits. Je sais me montrer très tendre quand il le faut, tu sais. Tu hantes mes rêves depuis si longtemps. Tu restes à mes yeux  la femme la plus désirable…
— J’ai un manteau à finir de broder.
Je pris mon ton le plus doux.
— Ladorne, soit. Je ne dirais plus jamais un mot sur Lordel, je t’en fais la promesse solennelle. Juste une fois, Ladorne. Une seule fois. Et après, Je quitterai la Tour, nourri de ce merveilleux souvenir, pour veiller sur Libreterre à ma façon. Loin de vous tous, et pour longtemps.
Je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur et mon regard se plongea dans le sien. Elle ne dit mot.
— Je peux même prendre une autre apparence si cela contribue à ton plaisir.  Prends ma main, Ladorne. Sonde-moi. Tu verras que mon désir est sincère, qu’il vient de mon cœur.
Je la lui tendis. Elle resta silencieuse et immobile.
— Prends-la, te dis-je !
Elle sourit légèrement et je crus la partie gagnée. Je risquai un doigt dans l’échancrure de son vêtement, caressant ses seins et ce doux contact me combla. J’approchai mon visage jusqu’à que mes lèvres soient toutes proches des siennes. Son parfum m’enivra.
Une sourde douleur me saisit au bas-ventre. M’écartant d’elle, je vis que cette chienne m’avait piqué la verge, au travers du tissu de mon pantalon, à l’aide d’une aiguille. Ivre de rage, je levai la main pour la frapper en hurlant.
— Catin !
La porte s’ouvrit à la volée et une poigne d’acier me saisit l’avant-bras. Une voix, très calme, retentit derrière moi.
— Je ne crois pas que cela soit une très bonne idée, Solban. Ne me donne pas le plaisir de te briser quelque os. Tu dois te faire vieux pour être ainsi surpris… Allez, je crois qu’il est temps pour toi d’aller dormir un peu.
La douleur m’empêchait de conjurer le moindre sort. Serrant les dents pour ne pas hurler, je me relevai sous sa contrainte. Il ouvrit la porte de sa main libre et me jeta dans le couloir. Mon épaule et ma tête heurtèrent le mur et le choc m’assomma à moitié.
En un instant, plusieurs autres portes s’ouvrirent. Éline, une magicienne habile, Solkar, un homme-loup redoutable et Granon, un solide nain muni d’un énorme gourdin, apparurent.
— Il ne se passe rien qui justifie que vous interrompiez votre sommeil, mes amis. Retournez vous coucher, ordonnai-je.
Aucun de ses trois là ne constituait un danger pour moi mais je n’avais aucune envie de réveiller et me retrouver face à tout l’étage dont les occupants, à l’image de tant d’autres en cette ville, me haïssaient. Lordel ferma la porte et les trois autres firent de même après un dernier regard acerbe.
— Ladorne et Lordel, ce sera un plaisir de vous enseigner le sens du mot « regret », lâchai-je à voix basse.

2 commentaires:

Julius Alexandrius a dit…

A mon avis, c'est un peu long comme dialogue
Ça mériterait d'être scindé, avec un poil plus de description. Et je trouve que Solban manque un peu d'un je ne sais quoi qui le caractérisait la dernière fois qu'on l'avait rencontré... On le reconnaît tout de même, vil et lâche comme à son habitude... J'en connaît un qui l'attend au tournant...

L'affreux a dit…

Bonjour Étienne ! Le Je me disais que si vraiment tu voulais rendre Solban haïssable, eh bien il faudrait le laisser gagner.

Un détail : "Et je veux pas que tu l’appelles ainsi" ...il manque le "ne".