Je
parle rarement des livres des autres, tout simplement parce que je ne sais pas le faire (démonstration dans cet article) mais je consacre infiniment plus de temps à lire qu'à écrire (qui a dit "heureusement" ?)
L'an dernier, j'étais parvenu à me limiter à 8 livres.
Cette année, où je pense avoir été plus heureux ou chanceux dans le choix de mes lectures, pas moyen d'en mettre moins que 12 (sur 66 livres ouverts et terminés)
A l'exception du premier, qui se détache nettement, il ne s'agit pas d'un classement.
Tous sont à lire impérativement, car tous sont exceptionnels.
La vie mode d'emploi, Georges Perec : De Perec, je ne connaissais que l'Oulipo, la photo d'un bonhomme avec une barbe rigolote et un chat sur l'épaule. Diantre ! Dire que j'aurais pu passer à coté de ça !
Nous voilà donc d'un livre fascinant et totalement inclassable.
Perec nous décrit dans les différents appartements (et caves, et escalier) ce qui se passe derrière les murs d’un immeuble haussmannien au même moment, le 23 juin 1975 peu avant 20 heures
Et il profite de cette description pour nous raconter des dizaines d’histoires, alternant humour parfois un peu potache, tendresse, drames amoureux, histoires policières, avec une imagination extraordinaire, mettant en scène des centaines de personnages.
Le livre est long et a un côté reposant : comme la plupart des 99 chapitres (sur 600 pages environ) s’autosuffisent, qu’il y a toutes les références pour s’y retrouver, c’est l’inverse d’un page-turner et on peut prendre son temps pour le lire.
Un livre idéal quand on manque de temps ou, comme moi en ces mois de novembre et décembre 2023, on a l’esprit pris par le boulot.
Et en même temps, c’est très agréable à lire.
« C’est un roman qui raconte des romans, des romans potentiels, qui ne seront pas tous forcément développés. Un seul l’est vraiment, l’histoire de Bartlebooth et de son jumeau Winckler »
Une merveille absolue, un livre immense !
Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu : Attention, chef d’œuvre !
Très enthousiasmé par ce roman très politique (« tout est politique », répète l’auteur à longueur d’interview, et il a bien raison) qui parle de la vie de (principalement) 3 ados durant les étés 1992, 1994, 1996 et 1998. L’ennui, les émois amoureux, la découverte de la sexualité, les incompréhensions avec les adultes souvent brisés par la vie, les bêtises, la drogue (très présente), l’alcool (et pas beaucoup de rock’n’roll), l’absence d’espoir, l’envie (et l’inaptitude) à envoyer tout paître et de partir loin…
Cela se passe dans une vallée lorraine après la fermeture du dernier haut-fourneau, autant dire que l’ambiance n’est pas précisément folichonne…
Mais quelle plume ! Le travail sur le style est tout bonnement extraordinaire.
Nicolas Mathieu est le Zola du XXIe siècle, les descriptions interminables et chiantes en moins.
Ce que l'on sème, Régina Porter : "fresque familiale et amoureuse, ce roman donne à voir les coulisses
méconnues de l’histoire d’une nation. Avec une justesse, un humour et
une maîtrise rares, Regina Porter creuse les traumatismes des États-Unis
sur plusieurs générations et expose avec grande intelligence les
mouvements profonds d’une société sur plus d’un demi-siècle. " (Extrait de la 4e de couv').
Un livre superbement construit..
S'adapter, Clara Dupont-Monod : Un enfant très lourdement handicapé nait dans une famille cévenole. Ses trois ainés racontent.
Dit comme ça, on redoute le gros mélo larmoyant.
Tout faux.
Car la plume est magistrale et l'histoire construite avec beaucoup d'intelligence et de sensibilité.
Et quel style !
Mon Traitre puis Retour à Killybegs, Sorj Chalandon : Ces deux là sont ensemble, car ils content la même histoire.
La première est l'amitié entre un luthier parisien qui prend fait et cause pour la révolution irlandaise dans les années 60 et 70 et un héros de l'IRA. Sauf que le héros est un traître et bosse pour les services secrets granbretons. Ouille.
La seconde, c'est la même histoire, vue par le traître. Où l'on se rend compte que tout n'est pas si simple.
Magistral, deux livres immenses, à lire en écho l'un de l'autre, et surtout dans l'ordre indiqué.
Week-end à Zuydcote, Robert Merle : Robert Merle est un écrivain qui avait le très rare mérite d'être très bon et populaire.
Un livre sur l'absurdité de la guerre.
Quoi, encore un ? Lisez-le et on en reparle.
La jeune épouse, Alessandro Barrico : A chaque fois que je lis Barrico, je prends (très souvent) un pied exceptionnel et me demande pourquoi ils ne lui pas encore filé le Nobel. Il le mérite infiniment plus que d'autres.
C'est plein de joie, de coquinerie et de folie.
Et, en plus, c'est une magnifique histoire d'amour.
Un régal.
Le fantôme d'Anil, Michael Ondaatje : Un livre qui vous apprendra énormément sur la médecine légale et la tragédie sri-lankaise (la guerre civile officiellement terminée). Une sorte de polar intimiste, superbement écrit.
Arthur et George, Julian Barnes : Du même auteur, j'avais adoré "Le perroquet de Flaubert", presque au point d'avoir presque envie de me replonger dans Madame Bovary avant de me souvenir du traumatisme qu'avait été cette lecture en première. Donc, ce livre nous parle (entre autres) d'Arthur Conan Doyle, le papa de Sherlock. Et c'est totalement réjouissant : Barnes écrit fort bien (et il est bien traduit), il maîtrise cet humour à la fois tendre et vache que savent si bien manier les écrivains anglais, et nous dépeint un Conan Doyle à la fois merveilleux, un peu con et pétri de certitudes stupides (on est sous la reine Victoria, on lui accordera des excuses). Mais surtout, surtout, il y a une superbe histoire d'amour, qui a ému et réjoui la midinette que je cache (assez bien, j'espère) tout au fond de moi. Et des bons livres réjouissants, croyez-moi, ce n'est pas si fréquent. Car soit c'est bon et triste (on ne fait pas de bonne littérature avec des bons sentiments), soit c'est joyeux et mièvre. Et là, c'est bon et joyeux.
Ils ont tous raison, Paolo Sorrentino : Paolo Sorrentino est un réalisateur, acteur scénariste et auteur italien né à Naples, primé plusieurs fois.
Dans ce livre, il nous conte l'histoire de Tony Pagoda, chanteur de charme, cocaïmane, menteur, charmeur et terriblement attachant.
Un style fou, des personnages truculents.
Un régal.
Connemara, Nicolas Mathieu : Connemara, c'est "leurs enfants après eux", 20 ans après. parfois l'impression de relire le même livre : ça se passe en Lorraine, parle de transfuges de classe. C'est rude mais aussi plein d'humanité et d'humour, avec un portrait au vitriol de la Macronie.
"Connemara c'est cette histoire des comptes qu'on règle avec le passé et du travail aujourd'hui, entre PowerPoint et open space. C'est surtout le récit de ce tremblement au mitan de la vie, quand le décor est bien planté et que l'envie de tout refaire gronde en nous. Le récit d'un amour qui se cherche par-delà les distances dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi" (Extrait de la 4e de couv')
Et vous, quels ont été vos coups de cœur ?