dimanche 23 décembre 2018

Daphné - Une mini-nouvelle et une illustration de Guillaume Jentey.

J'ai écrit ce qui suit pour servir d'introduction à un scénario pour une joueuse se déroulant sur Libreterre. Ce scénario sera très probablement publié dans l'Echo des Folandes n°1 (ou un des suivants). En attendant, voici l'histoire...

« DAPHNÉ ! »
Les mots de ta terrible daronne, Philipinne de Puydent, ont claqué telle une gifle...
« Dans le débarras... Tout de suite ! »
Non... NON !
Hélas, seule une petite voix dérisoire dans ton esprit proteste. Tu as déjà pris l’escalier pour descendre dans ce que la baronne appelle « débarras » mais qu’il serait plus simple et surtout plus réaliste de nommer « Salle de torture ». Tu n’as pas le choix. Face à elle, ta volonté n’est plus qu’un lointain souvenir...

- Je t’ai vu sourire au livreur à qui tu as ouvert la porte tout à l’heure.

Tu ne sais que dire.
Il était mignon, ce gamin. Une bouille toute ronde, des jolies joues pleines de taches de rousseur.
Il t’a rappelé ton frère cadet, Pol, avec qui tu aimais tant jouer.
Avant.
Avant que ce foutu mage t’arrache aux bras de tes parents en pleurs et te passe ce maudit torque de soumission.

Philippine t’attend déjà, le nerf de bœuf à la main et un chiffon dans l’autre.
- Fais-toi un bâillon avec ça.  Entendre tes cris m’agace. Et si tu pleures, ce sera le double. Enlève ta robe. ENLÈVE TA ROBE, EMPOTÉE ! Voilà, maintenant, à genoux !

Un premier coup. Tu serres les dents.
Ne pas pleurer.
Ne pas lui donner cette joie.
Un deuxième.
Un troisième.
Elle tape comme une sourde.
Tu te mords la lèvre inférieure. Ne pas pleurer.

- Je ne veux pas que tu regardes les gens à qui tu ouvres la porte ! Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Tu dois baisser les yeux, catin ! TOUJOURS !

Tu sais bien que tout cela n’est qu’un prétexte.
Depuis que son dernier amant l’a plaquée après qu’elle l’ait pressé comme un fruit, la maîtresse est encore plus acariâtre que d’habitude.
Elle passe ses nerfs ainsi.
Et toi, tu serres les dents...

- Je pense qu’on peut en rester là.

Tu ne peux t’empêcher de lever la tête en entendant cette voix que tu ne connais pas. Derrière la baronne, dans le couloir, une femme est apparue, sortie on ne sait d’où. Son accent est typique du Grand Nord. Ses yeux et sa blondeur aussi, d’ailleurs. Sa tenue n’a rien de malinchois et tu t’interroges en te demandant d’où elle peut bien venir. La porte de la maison est toujours fermée…
Une chose est sûre, le pouvoir émane d’elle comme la lumière d’un soleil au zénith.
C’est une mage puissante, peut-être plus encore que ton maîtremage, Acritarche le terrible.
Elle lève la main. Un anneau brille à son majeur.
Elle claque des doigts.
Un bruit sourd, suivi de celui de ton torque qui, brisé en deux morceaux, vient de rebondir sur le sol crasseux du réduit.

Tu es libre. LIBRE !

Philipinne reste interdite, pétrifiée.
Peut-être est-ce l’insolence du ton avec laquelle la belle magicienne a parlé.
Peut-être est-ce le choc de réaliser qu’elle est seule, entourée de deux mages, dont une qu’elle a humiliée et battue presque quotidiennement depuis six ans.

Profitant de ce silence, la dame vient vers toi, te prend la main et te sourit avec une douceur infinie.

- Daphné, je sais l’envie qui est vôtre d’étrangler, ou peut-être pire, cette vipère perfide. Mais nous n’avons pas le temps. Le portail va se refermer dans quelques secondes...

Un éclair blanc et aveuglant te contraint à fermer les yeux.

Avant que tu ne les ouvres, tu sens la chaleur sur ta peau, le vent dans tes cheveux, l’odeur du sel qui chatouille tes narines.

L’étrangère te tient toujours la main.

- Ça va aller ?

La voix est très douce, envoutante.
Tu ouvres les yeux. Tu es sur une plage de sable blond, entre l’océan d’un millier de bleus comme tu ne l'as jamais vu et une forêt aux arbres inconnus et immenses.
La femme te sourit toujours, visiblement heureuse et soulagée.
À quelques pas de vous deux, il y a un jeune homme, torse et pieds nus, habillé d’un simple pagne.
Il sourit aussi, heureux comme s'il retrouvait une amie.
Il est magnifique.
Tu ne peux t’empêcher de lui sourire aussi.
Et alors, tu réalises soudain que ta robe est restée là-bas et que tu aussi dévêtue qu’on peut l’être...





Et l'illustration réalisée par Guillaume Jentey représentant Daphné quelques jours après les événements décrits ci-dessus.


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