dimanche 22 décembre 2019

Friponnes Steampunk - Havredoux

Havredoux est mon terrain de jeu favori, l'endroit où j'ai du faire jouer le plus de scénarios de Friponnes RPG...

Illustration de Jahyra


Il s'en est passé, des choses, dans la ville blanche, en 20 ans (ou 25, je ne sais pas encore) ans !


La Guerre aux Oligarques 

Un jour, des Friponnes ont cambriolé la demeure de Dame Sornelle, la plus abominable usurière d'Havredoux, ont vaincu la démone qui gardait son coffre et ont récupéré dans son coffre la bagatelle de 450 000 doux d'or (grosso modo, l'équivalent de 45 millions d'euros en cash) et les ont distribués dans les quartiers pauvres.

Dame Sornelle, par Jahyra

La réaction de la méchante, richissime, détestable et vieille vipère et de ses amis de BeauxMats (réunis dans le Consortium des Investisseurs Audacieux) a quelque peu manqué d'élégance : ils ont  réunis quelques tueurs, fait sauter l'ambassade Edrulaine (dont les occupants n'y étaient pas pour grand chose), blessé Lauranna, l'ambassadrice-guérisseuse si célèbre et appréciée dans la ville blanche. En retour, le CIA a vraiment beaucoup perdu sur cette opération (et pas que de l'oseille), ses barbouzes tournés en ridicule mais le mal bien était fait : les gens d'Havredoux, toujours prêts à s'enflammer quand il est question de justice et d'équité, se sont rendus compte que les riches n'était pas (tous) des gentils et à s'intéresser vraiment aux questions saugrenues de répartition de richesses.

Et puis, Louvanie Belhumeur fut nommée Juge aux Affaires Pécunières.

Ecoutons un peu ce que Lauranna et Jahyra en disent lors de leurs retrouvailles à l'été 67 :

 — Depuis trois ans, il y a une nouvelle juge aux enquêtes pécuniaires. Une furie. Je ne sais pas si un fils de bourgeois l’a embêté dans la cour de l’école quand elle était petite ou si elle s’est fait plaquer par un rupin, mais elle a une dent vraiment acérée contre nos amis les usuriers et banquiers. Des preuves de manœuvres délictueuses, d’infractions à la loi et de non paiement d’impôt arrivent régulièrement à son bureau. Quand il y a de la cupidité, le Verougue n’est jamais très loin, et chaque nouvelle affaire, dont la publicité est amplement assurée, accroît l’ire du bon peuple d’Havredoux à leur encontre. Je crois qu’on est plus très loin du jour où on ne croisera ici que ceux qui fuient ce pays de merde.
 — Des preuves arrivent ?
 — Il semble qu’une bande de monte-en-l’air particulièrement doués opère depuis peu. Des coffres sont régulièrement vidés. Ils gardent l’or, en distribuent pas mal dans les quartiers pauvres et envoient tout ce qu’ils peuvent trouver de compromettant à la juge.
 — On y est pour quelque chose ?
 Elle sourit.
 — Je ne vois vraiment pas où tu vas chercher des idées pareilles. 
 — On se le demande, en effet…
 — Et je ne te dirais rien. D’ailleurs, je ne sais rien.
 — Je vais aller en toucher deux mots à Vork.
 — Ne fais pas ça, malheureuse ! Il est fou de cette dame, ce qui peut se comprendre, car non seulement elle fait preuve d’un courage et d’une opiniâtreté rares mais elle plutôt agréable à regarder. Bref, notre gros loup en est dingue et il t’en parlera pendant des heures avec des trémolos dans la voix. Louvanie Belhumeur est la plus belle, la plus extraordinaire, la plus tenace. Il lui envoie des fleurs et des messages de félicitations à chaque nouvelle arrestation.


Extrait des mains qui guérissent, à paraître aux Editions Stellamaris au printemps 2020.

Les temps ont commencé à devenir difficiles pour les innombrables oligarques qui résidaient à Havredoux, qui était alors la cité la plus paisible des Folandes, où on ne venait pas trop les embêter concernant les sujets d'impôts et sur la façon dont ils menaient leurs affaires.

La révélation de qui était vraiment Steffy d'Armale (voir la campagne "Mon ennemi, c'est la finance") a accru ce qu'il faut bien appeler cette haine des (très) riches. Les hôtels particuliers des plus pourris ont été mis à sac dans une ambiance joyeuse et les nonnes-guerrières se sont contentées d'empêcher quelques agités de pendre haut et court les pires.

Vous vous souvenez d'Occupy Wall Street ? Et bien, c'est à près ce qui s'est passé, au détail près que les gentils ont gagné.

La réaction des oligarques a été de quatre ordres :
  • Les moins courageux sont partis à regret à BeauxMâts, Verrou (qu'ils ont dû quitter lors de la guerre civile, j'y reviendrai) ou Lanareta avec leurs valises pleines de billets à ordre, de bijoux et de gemmes. Leurs magnifiques résidences ont été réquisitionnées par des collectifs d'artistes ou des réfugiés, les jardins transformés en potagers (où poussent parfois, à côté des légumes, quelques herbes récréatives). Les autorités, trop occupées à se défendre dans divers scandales de corruption où elles étaient impliquées et surtout avec et avec d'autres chats loups à fouetter, les ont laissé faire. (On est dans Friponnes RPG : les membres de la police ont aussi une conscience politique et le sens de l'intérêt général plutôt que celui de quelques-uns).
  • Les plus prudents ont négocié. Moyennant des amendes astronomiques et le fait de ne plus se montrer pendant quelques mois, elles se sont rachetées un vague semblant de virginité morale. Le produit des amendes qui leur avaient été infligées, lequel se compte en millions de Doux d'or, a été versé au Fonds pour l'Equité Fiscale et l'Eradication de la Pauvreté (F.E.P.E.F), géré par Alphonse Bisaillon, un ancien juge incorruptible, qui se consacre avec son équipe -des purs et durs- à user des sommes ainsi récupérées de façon intelligente et constructive.
  • Les rares qui étaient à peu près honnêtes, ceux qui s'étaient enrichis par leur travail et leur talent (il s'en trouvait quelques-uns (pas beaucoup)), ont souvent et de façon totalement spontanée versé une part importante de leur fortune au FEPEF
  • Les plus méchants radins tenaces ont résisté becs et ongles en se ruinant en avocats et en tentatives de corruption presque toujours dénoncées. Bien que blessés dans leur orgueil et surtout atteints aux portefeuilles, ces sympathiques individus ont encore un gros pouvoir de nuisance, car Havredoux compte, hélas, quelques individus louches prêts à toutes les bassesses moyennant finances.
La cité n'est plus administrée par les seuls représentants des huit principales corporations de la ville, tous impliqués (à l'exception des soulageuses et des femmes de soin) dans des scandales de corruption, mais par une fédération des conseils de quartier, dans une démocratie très directe ou chacun est libre d'apostropher les membres du gouvernement de la ville et ne s'en prive pas.

L'herbe qui fait rire

L'herbe-qui-fait-rire est une plante qui ne pousse que dans le Grand Nord de Wolga, une mauvaise herbe délaissée par les rennes, quelque chose qu'on fait sécher, qu'on broie avant de la fourrer dans une pipe et qui fait voir la vie en rose pendant quelques heures. Pas plus méchante que ça à la base, quelques alchimistes ont eu la mauvaise idée de la mélanger à des saloperies qui la transforment en drogue hyper addictive qui vous fait passer un individu pétant de santé en junkie famélique en moins de temps qu'il ne faut pour le dire et ce, à la première bouffée ou presque.

Financé par quelques oligarques en mal de diversification, le trafic a fait tant de ravages parmi la population d'Havredoux que la cité n'a failli pas s'en relever. Le dragon protecteur d'Havredoux, tout à fait efficace pour protéger la cité d'une flotte d'invasion s'est révélé totalement incompétent face à cette menace et a vu son autorité vaciller, tant et si bien que la cité n'a pas eu d'autre choix que de faire appel aux Edrulains pour faire cesser le trafic.

Elianelle a été chargée de cette négociation et n'y a pas été de main morte. Elle s'est engagée à faire cesser le trafic en moins de cinq ans, à condition d'avoir carte blanche, moyennant quoi
  • Havredoux envoyait à la poubelle tous les traités commerciaux et diplomatiques signés avec Verrou, dont l'implication dans le trafic a été (à peine) exagérée pour faire passer cette décision pour acceptable et juste.
  • L'augmentation considérable du coût des visas pour les citoyens Verougues, à l'exception des réfugiés politiques.

En contrepartie, une centaine d'Edrulains et d'alliés ont débarqué à Havredoux. Lauranna, désormais libérée de sa charge d'ambassadrice et son fils adoptif Alfirin (un jeune guérisseur Edrulain dont certains disent qu'il est plus doué que Fronin) ont mis au point des sorts de désintoxication efficaces. Le combat a été rude et la réputation de calme et de paix d'Havredoux a quelques peu été émoussée durant quelques années.  Bref, l'emprise du trafic a diminué, les méchants de la pègre louve se sont pris des baffes et, face à beaucoup plus retors qu'eux, ont dû se calmer et trouver des boulots moins rémunérateurs, plus fatiguants mais beaucoup moins dangereux.

Cette guerre, qui est décrite dans le roman Loups, Peste et Billevesées, ne se fera pas, hélas, sans dommage collatéral pour les relations entre Havredoux et la Confrérie... J'attends la sortie du roman avant de spoiler un brin... ;-)

Aujourd'hui, les transactions se poursuivent, heureusement dans des proportions beaucoup plus modestes et moins dévastatrices.

Les démons

J'ai évoqué dans mon billet précédent le fait que la porte des neuf enfers vers les Folandes s'ouvrait probablement dans, ou à proximité, d'Havredoux. Il va de soi que cela n'a pas fait qu'arranger la situation...

La pègre louve

Vers 66, le comte de Lanareta en a eu un peu assez d'entendre parler quotidiennement des rackets, des enlèvements d'enfants, des trafics de viande avariée et d'alcool frelaté et s'est vraiment lassé de toute cette violence qui pourrissait sa bonne ville.

Les (hommes-)loups, qui étaient loin d'être tous innocents, ont alors subi une guerre en règle de la part d'un groupe de mages-enquêteurs elfes aux méthodes expéditives et musclées, dirigés par le célèbre Eloi Nëss, et bon nombre d'eux ont été se réfugier au soleil de la ville blanche en se faisant passer pour des réfugiés des guerres de colonisation de Verrou et de Borêne (sur lesquelles je reviendrai, chaque chose en son temps). Et, bien sûr, ils n'ont pas tous ouvert des boucheries ou se sont mis à leur compte comme débardeurs indépendants...

Pour finir, une petite interview en 77 du célèbre armateur Olbon Crelvi par le journaliste Vic Esposito

Le texte qui suit n'est pas bien sûr celui est paru dans le Matin d'Havredoux, le journal employant le journaliste, mais est la retranscription fidèle et non édulcorée d'une partie de leur échange.

 — M. Creelvi, vous venez de racheter le Ragofi. Depuis ce rachat, les tirages se sont encore effondrés. On parle désormais d'à peine trois cent exemplaires...
 — Il est vrai que le redressement du journal est une chose difficile mais il s'adresse désormais à la crème de la crème, à l'élite et aux premiers de cordée. Certes, notre lectorat est moins important en nombre mais il a considérablement gagné en qualité.
 — Dans un article récent, ce torche... journal évoquait notre ville comme un enfer pour les gens qui, comme vous, ont hérité de leur parents ou...
Le millionnaire coupe sèchement le journaliste :
— Un héritage que je me suis contenté de multiplier par dix.
 — En investissant dans le trafic d'esclaves et dans des flottes sous pavillon de complaisance verougue.
 — Optimisation des coûts et exploitation d'opportunités rentables, vil gratte-papier égalitariste.
 — Mais si cette ville est un enfer, pourquoi ne pas le quitter ?
 — Pour aller où ?
 — Verrou ?
 — Et ses lois confiscatoires sur l'héritage ? Vous pensez à mes enfants ?
 — Lanareta ?
 — Il y a fait bien trop froid. Et il y a tous ces loups pleins de puces.
 — Que vous ne répugnez pas à employer par ailleurs pour de basses besognes.
 — (Tirant sur son cigare) Tout le monde à besoin de travailler et ceux-là sont moins exigeants que tous ces flemmards assistés à qui le FEPEF (il crache) verse une allocation pour se droguer et boire.
 —  Mina-Roka ?
 — Pour perdre un oeil, une jambe ou la vie dans un attentat takatan ? Pour être taxé à 99 % de mon revenu ? Vous avez d'autres suggestions, espèce de raclure rouge ?
 — BeauxMâts ?
 — Avec tous les ennuis que ces crétins de sorciers se sont attirés avec les dragons et les Edrulains, c'est devenu un endroit invivable. Et pourtant, qu'est-ce que c'était bien, avant (soupir)...


Cet article est dédié à Vincent, Gwen et Christophe, grand arpenteurs d'Havredoux et acteurs d'un certain nombre d'épisodes ayant très largement inspiré cet article.

Dernière MAJ le 11/02/2024

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